Collection ''Escargotfleur'' Laiton/cuivre mit en forme et patiné 2017-2019
L’escargot fleur
C’était un escargot épris de naturalisme Qui dans un esprit de non-conformisme Avait décidé d’habiter une fleur Il avait donc délaissé sa demeure Une jolie coquille jaune à spirales À la recherche d’un logement à pétales Il rêvait du calice délicat d’une ophrys Ou de la toiture toute en courbes d’un lis Mais c’était là des fleurs rares et prisées Pas faciles à dénicher
Ventre à terre il se rendit dans un grand pré Qui lui semblait bien orienté C’était le printemps dans les Alpages Transformés pour l’occasion en immense aire de butinage L’herbe nouvelle encore engourdie de l’hivernal sommeil S’était couverte de mille fleurs offertes aux abeilles Campanules, centaurées, séneçons, potentilles Gentianes, hélianthème, digitales, pulsatilles L’escargot n’en croyait pas ses yeux Il les étirait (pause et grande inspiration) autant qu’il le pouvait Se voyant déjà locataire D’une magnifique Aster
Il s’installa d’abord dans une belle ancolie D’un beau violet profond plein de mélancolie Mais ce logement curieux, complexe et exotique Pour une bête cornue était bien peu pratique Un coquelicot d’un rouge vif et magistral Absorba son regard et le laissa sans mots Il se voyait déjà dans une robe cardinale Et entreprit donc l’ascension du sublime pavot Mais à peine s’y installa-t-il Qu’il ne resta que le pistil Comme la maison de paille balayée par le loup Les fragiles pétales tombèrent tous d’un coup
L’escargot scruta la prairie bucolique Allongeant ses longs yeux à l’éclat métallique Il repéra bien vite un vigoureux chardons Se dressant fièrement dans le riche gazon Mais cette forteresse de piquants Rendit pénible le moindre mouvement Finalement c’est au cœur orangé d’un narcisse poète Que s’établit la gluante bête Mais rapidement Au bout de quelques temps Voilà le logis déjà flétrissant
Il sentit une vague de désespoir Sur l’une de ses cornes, une larme d’ivoire C’est la lune qui s’y reflète La nuit étant tombée Déployant sur le monde son manteau constellé Lentement l’escargot rebroussa son chemin Frissonnant et fourbu tout gonflé de chagrin Il retrouva sans peine sa coquille vacante Et il la trouva belle, et grande, et accueillante Il s’endormit heureux, ses rêves furent fleuris La découverte du beau colore les esprits Ainsi s’achève cette histoire, toute en douceur L’odyssée botanique de ce gastéropode voyageur
Un grand merci à Augustin Fromageot pour ce texte.